Accueil > Archives > 2003 > La parole à Moussa Touré
La parole à Moussa Touré
Publié le : dimanche 5 janvier 2003

Moussa Touré est né en 1958 au Sénégal. Il débute dans les métiers du cinéma comme électricien. En 1987, il tente l’aventure de la mise en scène. Il réalise son premier court métrage Baram. En 1991, Moussa Touré tourne son premier long métrage : Toubab Bi puis enchaîne avec TGV, film qui a obtenu de nombreux prix ainsi qu’un gros succès populaire en Afrique. Poussières de ville et Nous sommes nombreuses sont ses deux derniers court-métrages. Moussa Touré a accordé une interview à notre reporter.

Moussa, l’Agence de la Francophonie a édité des DVD pour des réalisateurs africains...

Oui et ils ont retenu les films de Sembène, Souleymane, etc… et moi. Ils m’ont racheté les droits et ils me donnent 900 DVD.

Ils sont destinés à la vente et à la diffusion…

En fait, c’est à moi de me débrouiller pour les vendrent. Ils vont aussi diffuser dans les villages avec ces DVD. Je suis en train de voir à Dakar comment mettre en place une salle qui diffuse uniquement des DVD.

Ce support vient s’ajouter dans les moyens de diffusion en Afrique…

Oui, c’est plus que s’ajouter, ça va être ça, c’est ça qui nous arrangent ! parce que c’est plus simple et puis nous, tu sais les gens ici (en Europe) quand ils font des films pour être dans des salles, ils ont des règles tout ça mais ça nous intéressent pas. Quand tu met un film sur une télé à Dakar, tu as tout de suite 2000 personnes qui veulent voir, la manière dont on approche l’image est tout a fait différente.

Des projets sont même mené avec des VCD, c’est pas un problème de qualité…

Les gens n’ont pas ce problème là, c’est que eux, ils veulent voir et entendre.

Trouves tu normal qu’en 2003, le public africain est aussi peu accès aux films africains ?

Je vais discuter avec ceux qui ont déjà décidés des choses concernant la diffusion à Cannes ! Quand même y’a des africains, ça les arrangent quand on parle de diffusion, eux ils prennent l’argent et ils disent nous on diffuse. Alors qu’en fait, ils leurrent tout le monde ! Ce qu’il se passe exactement, c’est que au lieu d’avoir ce discourt là en disant voilà ok, vous savez très bien que la diffusion en cinéma des films, ça ne peux pas aller. Demain dans tout les pays africains, on ferme les salles, on en fait des magasins, vous êtes depuis 33 ans sur cette solution qui ne marche pas. ça suffit là, essayez une autre solution ! Non, ils leurrent les gens.

Les réalisateurs ne veulent plus exploiter leur copie film en Afrique car les projecteurs les abîment et les coûts de labo sont chers…

Ah bien sur. Alors pour quelles raisons ils a des gens qui tiennent ce discourt là ? On ne peux pas avoir le même discourt en France qu’en Afrique. En France, le cinéma tourne bien, on a pas le même matériel, les mêmes ambiances, les mêmes moyens. En tant qu’africain, je ne peux aucunement avoir le même discourt que lui. C’est pas possible. Alors on me dis les sorties internationales, " outside ", là mais c’est utopique alors que localement, tu as des gros problèmes, le plus gros problème de ta vie il est local. En général l’Afrique c’est toujours comme ça, le problème il est local et on parle international, je comprend pas. C’est comme au Népal, localement, tu ne peux même pas écouler ce que tu as ! ton public ne peux pas bouffer ce que tu fais. Alors si les gens veulent vraiment nous donner un coup de main, parlons de distribution localement avant de parler international.

C’est simple comme bonjour, venez, y’a de l’espace, faisons des salles de numérique et vous verrez je vous assure qu’on aura plus de problèmes. Vous n’allez plus nous aider, comme depuis de années, pour nous donner de la pellicule ou de l’argent, une seule fois suffit.
Déjà en Afrique, y’a combien de productions en numérique qui sont dans les cases là. Tout les jeunes ont fait presque des films au Sénégal, donc on a des films en numérique, documentaires, fictions. Donnez nous le matériel et on se débrouillera.

Comment se fait il que la post-production en numérique soit timide en Afrique ?

Je dois signer un contrat au Sénégal de co-production avec un gars qui a 6 bancs de montage virtuel. On va faire une unité de production de documentaires, point on est libre et on peux faire ce qu’on veux. A mon retour, je vais travailler pour Youssou N’Dour pour ces titres on va monter 8 films et montrer dans les salles, on a besoin de personne, je vais le faire là bas.

Vraiment, je vais leur dire ce que je pense aux gens du CNC et aux autres réunis à Namur. Si ils veulent vraiment aider le Sud, voilà le discours : je connais bien les réalités, je vis là bas et j’ai fais 2 films sans personne (Tozali Ebéle et Poussières de villes) et on les vois à Dakar. Ils sont passé à la télé, on les diffusent sur grand écran. Si vous voulez nous aider, continuez dans ce sens là. Si vous voulez pas, allez parler de l’international mais plus tard, demain car aujourd’hui c’est d’abord local. Et puis venez nous voir, on viens trop vous voir !

Justement, est ce que plus de festivals au Sud favoriserai le dialogue et la compréhension des problématiques liées aux cinémas d’Afrique par les gens du Nord ?

Bien sur. Les gens qui ont de l’argent et qui disent qu’ils veulent aider, quand il y a un film chez moi qui sort, il n’ont qu’a se déplacer. Même pour voir les premières, les autorités les vois, discutent avec eux. Regarde je suis tout seul là, je viens ici et parler avec ces gens qui discutent avec leurs autorités. il faudrait qu’ils se rendent compte que nous on est démunis de nos moyens.

Y’a un festival de film de femmes qui a eu lieu a Dakar, c’était magnifique ! Ils ont vu mon film en ouverture et le public revenait pour voir les films.

Etre cinéaste en Afrique c’est une des choses les plus rare et les plus difficile qui peut être. C’est vraiment une ambiguïté, qu’ils nous écoutent quand on leur dis comment nous aider !

Propos recueillis par B. Tiprez

Lire aussi :
La douleur des femmes à l’écran

Également…
1

Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France
Tél /fax : 01 48 51 53 75