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« Les documentaires d’Afrique francophone se ressemblent »
Publié le : samedi 26 novembre 2011
Interview d’Isabel Arrate Fernandez, coordinatrice du Jan Vrijman Fund, Pays-Bas

Depuis 1998, le festival international de films documentaires d’Amsterdam (IDFA) soutient des documentaires portés par des réalisateurs issus d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. En mémoire à l’ancien co-directeur du festival décédé en 1997, le fonds Jan Vrijman a soutenu 335 projets de films dont 54 provenant d’Afrique, principalement anglophones. Depuis 2002, le fonds Jan Vrijman a aussi encouragé 22 festivals et ateliers documentaires sur le continent tels qu’Encouters (Afrique du Sud), Doc à Tunis (Tunisie), Fida Doc Souss (Maroc) ou Dockanema (Mozambique).

Quelles sont les conditions pour postuler au fonds Jan Vrijman ?

Isabel Arrate Fernandez : Cela dépend. Nous avons deux catégories : scénario et production/post-production. La principale condition concerne le candidat. Nous ne soutenons que des réalisateurs vivant et travaillant en Afrique, pas ceux qui font des films en Afrique mais vivent en Europe. Si le projet fait l’objet d’une coproduction avec une société du Nord, nous demandons un contrat pour s’assurer de la légalité de l’accord mais un réalisateur n’a pas nécessairement besoin d’une coproduction pour postuler. Concernant la partie plus concrète du projet, il y a un formulaire à remplir dans lequel il faut préciser le synopsis, les motivations, le traitement, le plan de production, le budget et les soutiens financiers. En cas de production, nous demandons les grandes lignes de l’histoire - ce qui est moins détaillé qu’un scénario – ainsi qu’1 à 2 minutes d’extraits.

Quel genre de support apportez-vous ?

Isabel Arrate Fernandez : Au maximum 5000€ pour les projets en développement et 7500€ maximum pour les projets en production/post-production. [ndlr : Les festivals et ateliers recoivent entre 75000€ et 15000€ par projet].

Les films sont-ils automatiquement sélectionné dans le programme de l’IDFA ?

Isabel Arrate Fernandez : Non, nous faisons une sélection des films terminés. Cette année par exemple, nous avons sélectionné 15 nouveaux films, 3 ont été rejetés, 3 ont été sélectionnés en compétition et le reste a été présenté dans différentes sections du Panorama.

Le Jan Vrijman Fund organise aussi, en collaboration avec le Hubert Bals Fund du festival international de Rotterdam, une programmation itinérante appelée le Cinéma Mondial Tour. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Isabel Arrate Fernandez : Cela fait deux ans que ce programme existe. Il a tourné l’année dernière dans 10 festivals en Afrique [ndlr : au Cameroun, Burkina Faso, Ouganda, Kenya, Tanzanie Rwanda, Sénégal, Bénin ainsi qu’en Éthiopie et en Afrique du Sud]. Cette année, il a tourné dans douze festivals. Le programme est composé à 50% de films documentaires que nous avons soutenus et à 50% de films de fiction soutenus par le fonds Hubert Bals. Nous les sous-titrons en anglais et français et les festivals choisissent les films qu’ils souhaitent programmer. En ce qui concerne nos films documentaires, la moitié sont des films africains et l’autre moitié, des films provenant d’Asie et d’Amérique Latine. Pour l’année prochaine, nous espérons travailler davantage avec le Maghreb car nous n’avons jusqu’ici travaillé qu’avec des festivals de l’Ouest, de l’Est et du Sud de l’Afrique.

Combien de films proposez-vous et quels retours recevez-vous des festivals qui les programment ?

Isabel Arrate Fernandez : Cela dépend. L’année dernière nous en avions 12, cette année 14 car nous avions davantage de films courts. Certains festivals les programment tous, d’autres font juste une sélection. Les festivals apprécient ce programme car il leur est plus facile d’avoir une sélection de documentaires que de devoir les chercher eux-mêmes à travers le continent. En même temps, ils aiment que le programme intègre des films d’autres continents du Sud car cela donne une vision plus ouverte du cinéma.


Clap Noir (DR)

Du fait que le Jan Vrijman Fund finance à la fois des projets d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, quel constat faites-vous de la production documentaire sur ces continents ?

Isabel Arrate Fernandez : Le continent le plus dynamique est l’Amérique latine. Beaucoup de projets viennent de là-bas et beaucoup de gouvernements financent le cinéma et le documentaire alors qu’habituellement on finance la fiction mais on oublie le documentaire. La quantité ne cesse d’augmenter et la qualité aussi. Dans la sélection 2011 de l’IDFA, 3 films ont reçu le soutien de notre fonds mais 5 autres ont été sélectionnés indépendamment. La production en Asie du Sud-Est est plus compliquée car elle est dominée par l’Inde. Cette année nous avons sélectionné 4 films indiens alors que les productions venant de Thaïlande, du Cambodge, du Vietnam sont moindres. Il en est de même en Afrique. Nous avons soutenu beaucoup de films ces deux-trois dernières années mais la plupart sont toujours en production. J’espère que l’année prochaine, les projets d’Afrique du Sud, du Ghana, du Nigéria, du Mali, du Kenya que nous avons financés seront présents.

Qu’en est-il de la production africaine francophone ?

Isabel Arrate Fernandez : Nous recevons beaucoup de projets d’Afrique francophone en français. Ça n’est pas un problème car je parle français mais nous devons ensuite traduire les projets pré-sélectionnés en anglais pour le comité. Comme je l’ai dit nous avons un projet en cours au Mali mais... c’est compliqué. Il y a beaucoup de beaux projets et de belles idées mais quelque part, lorsque l’on traduit cela en film, cela n’apparaît pas. De mon point de vue personnel, j’y vois vraiment une influence française. Les films se ressemblent. Je vois les projets puis plus tard les films en festivals et je trouve qu’ils se ressemblent, notamment les films Africadoc et je trouve cela dommage.

Cela explique-t-il pourquoi l’on ne voit pas de films Africadoc dans le programme de l’IDFA ?

Isabel Arrate Fernandez : Je ne crois pas qu’ils nous en aient envoyé. Dans la production des films africains francophones, il y a une sorte de tunnel qui les mènent directement en France. Il y a 5 ou 6 ans, lorsque nous recevions leurs projets, le budget n’incluait pas de traduction en anglais ! Toute l’approche du projet est de maintenir les films dans un réseau francophone.

Quels retours recevez-vous des réalisateurs soutenus par le Jan Vrijman Fund ?

Isabel Arrate Fernandez : Les gens qui reçoivent de l’argent sont toujours contents ! (rires). Non, ce que l’on entend souvent de la part des réalisateurs c’est que cela est très utile. Nous ne donnons pas beaucoup d’argent mais le lien avec IDFA est important pour recevoir le soutien d’autres institutions et financeurs.

Propos recueillis par Claire Diao

Plus d’infos sur le Jan Vrijman Fund :
http://www.idfa.nl/industry/markets-funding/vrijman-fund.aspx

Prochain dépôt de projet : 15 janvier 2012
Voir le règlement : http://www.idfa.nl/industry/markets-funding/vrijman-fund/Submit-your-project/francais.aspx

  • Il y a longtemps qu’on le pense et qu’ont le voit. Les francophones étouffent la créativité. A force de prendre les artistes africains pour des enfants et leurs indiquer le chemin à suivre, ils ont finis par ne plus être créatif en dehors du canevas déjà tracé. C’est un peu comme le prix RFI de la musique. Même genre musicale depuis des années. Comme si la france avait toujours besoin de voir en l’homme noir cette image là.

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