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"Coopération sans dépendance" et documentaire panafricain
Publié le : mercredi 9 mars 2011
Le réseau Africadoc se mobilise


Le réseau Africadoc a rédigé une charte. Ces militants d’un documentaire de création africain parviendront-ils à infléchir les choix des décideurs culturels en Afrique ? Le désir exprimé part du constat selon lequel les télévisions des différents pays africains sont encore trop timides pour aider le documentaire. Comme le rappelle Rufin Mbou Mikima, réalisateur congolais et représentant du réseau Africadoc au Congo : "on a l’impression que les artistes se battent tout seuls, démocratie ou dictature. Les États ne nous accompagnent pas. Il n’y a plus de salles de cinéma. Et la libéralisation de l’audiovisuel n’a donné que des chaînes "business". Dans un tel contexte, comment faire exister les films que nous produisons ?". Car que deviennent les films "Africadoc" ? Sani Magori, réalisateur et coordinateur Africadoc au Niger, conte son expérience. Son film, le remarquable et remarqué "Pour le meilleur et pour l’oignon", a été montré dans 17 festivals et a reçu plusieurs prix. "La mission que vous voulez que votre film accomplisse, elle va l’accomplir". Mais pour beaucoup, une fois le film produit, il n’y a pas de débouchés. Les chaînes sont trop absentes, les États aussi.

Sur le modèle français et même lussassien (Lussas est un village en France de quelques centaines d’habitants qui accueille l’été des milliers de visiteurs aux États Généraux du Film Documentaire), le réseau Africadoc milite activement pour le documentaire de création. Et cette année, propose sa "déclaration des droits de l’Homme" / charte pour la mise en place d’un fonds de soutien à l’audiovisuel de création en Afrique à l’échelle des États et de la communauté des États. L’esprit est résolument panafricaniste. Il souhaite s’adresser aux institutions. Tout en défendant le principe de "coopération sans dépendance" : "Avec 5 millions de CFA, on peut chercher le rester et négocier équitablement avec le Nord". L’ambition : "cela va prendre dix ans, mais il y aura des cases documentaires sur toutes les chaînes africaines !", espère l’infatigable Jean-Marie Barbe, qui fut le fondateur des États Généraux de Lussas et dirige aujourd’hui le réseau Africadoc. Cette charte se veut un outil de réflexion à proposer. Awa Traoré, documentariste malienne et représentante d’Africadoc au Mali, explique : "on travaille déjà en relation avec le centre national de la cinématographie au Mali". L’étiquette Africadoc est un appui, sans être exclusive. La productrice sénégalaise Mati Diop renchérit en expliquant que depuis 2010, l’Etat sénégalais commence à s’intéresser à l’initiative d’Africadoc (qui a pourtant lieu au Sénégal depuis 2002 !). Elle se dit aussi en relation avec le directeur de la cinématographie... Mais rien de concret n’a émergé encore. "Je n’aime pas la politique du terrain vierge", modère le documentariste Baba Diop, qui enseigne entre autres au Master de documentaire de Saint Louis au Sénégal. "Des coopérations ont existé dans le passé. Il faut également penser aux municipalités, aux régions". Malheureusement, explique la représentante burkinabée d’Africadoc : "le directeur de la cinématographie était au courant de notre réunion, mais il faisait partie du présidium du colloque "cinéma et marché" qui se passe en même temps"... Le chemin est long, mais les bonnes volontés sont là. Marie Bonnel, du Ministère des Affaires Etrangères français, salue le travail sérieux de cette charte, mais s’interroge. "Y a-t-il concertation entre le projet de fonds africain pour le cinéma que propose la Fepaci ?" Pour les documentaristes, l’idée n’est pas d’être en concurrence avec les cinéastes de fiction, mais plutôt en échanges fructueux, dans des démarches parallèles. Pour la représentante du MAE, la question concrète est de clarifier afin de savoir "comment les pays du Nord vont cofinancer" de telles initiatives. Présent dans la salle, le cinéaste belge Thierry Michel a salué avec ferveur l’émergence d’une génération de jeunes documentaristes. Ils sont déjà une soixantaine, ils ont entre 25 et 40 ans, produisent une vingtaine de films par an et ne comptent pas s’arrêter là, même si le Fespaco les a boudé cette année en ne sélectionnant aucun film "Africadoc". Pourtant, le film de Sani Magori, « Kukan Kourcia » vient d’obtenir le prix de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). À suivre.

Caroline Pochon

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