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Critique - Atlantic Produce Togo s.a.
Publié le : mercredi 12 septembre 2012





C’est une boîte sise en zone franche à Lomé, Togo. On y produit et exporte des plantes ornementales. Quatre-vingt dix salariés y travaillent et les avantages sociaux dont ils bénéficient en ont fait un modèle dans le pays.
C’est aussi une affaire qui, au seuil de la liquidation, a été rachetée avec enthousiasme par un jeune couple franco-africain, lui togolais, elle française, formés en France et soucieux de maintenir les conditions de fonctionnement jusqu’ici en vigueur.
Une situation que la togolaise Penda Houzangbe amie d’enfance du nouveau patron, et le français Jean-Gabriel Tregoat, ont saisie au vol, pour leur premier film.
Pressentant l’intérêt qu’il y aurait à suivre en « live » l’évolution de cette reprise en mains et l’urgence ne leur permettant pas de chercher des fonds, ils investissent l’entreprise avec un minimum de matériel. Ils filment à deux, quatre mois durant, aux heures de bureau, se font oublier. Le film y gagne en force.

Le documentaire ouvre sur les élections des délégués du personnel. Vif intérêt de part et d’autre, y compris du spectateur qui n’a pas souvent l’occasion d’assister à ce genre d’exercice dans une entreprise africaine. La tentation est grande de décoder ce qui appartient au monde du travail en général et ce qui relève du continent en particulier.
Tout se déroule calmement : fierté des élus, satisfaction de la patronne française qui insiste sur le côté démocratique de ces élections. Jour après jour, on suit la chronique d’une faillite annoncée. Après l’image d’Épinal initiale, arrive brusquement la grosse tuile : le principal client les lâche . L’équilibre fragile de la société est gravement menacé, il va falloir recourir aux banques, qui prennent leur temps...
Tony le jeune patron, frais émoulu du système français, se noie rapidement. Lorsque les ouvriers réclament le paiement des frais de scolarité , « l’écolage », il se trouve au pied du mur, et, négligeant les conseils de modération, se crispe sur ses positions. Les délégués se succèdent dans son bureau exigeant leur dû pour, finalement, brandir la menace de la grève. Le confit éclate.
Une situation somme toute banale. Ici, c’est le point de vue des réalisateurs qui crée l’originalité. Par un effet miroir, ils sont en parfaite empathie avec leurs amis patrons, un couple franco-africain, privilégié comme ils le sont eux-mêmes, dans ce Togo à plusieurs vitesses. On se surprend à plaindre ce pauvre Tony, qui, plein d’illusions humanistes, se bat pour conserver l’outil de travail à des gens qui s’obstinent à s’accrocher à leurs avantages acquis au péril de l’entreprise.
En revanche, le regard posé sur les ouvriers est plus global. En bloc derrière les délégués, unis dans une action qu’ils jugent légitime, ils revendiquent au delà du raisonnable, comme des enfants grisés par leur nouveau jouet..
Au spectateur de définir les contours de l’entreprise paternaliste, de traquer les relents de colonialisme, de peser les effets de l’angélisme le plus naïf et les difficultés inhérentes à la double culture. Ce n’est pas le côté le moins intéressant de ce documentaire construit comme un suspense et qui annonce, honnêtement, la couleur...

Michèle Solle
Septembre 2012

Fiche du film

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