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Dérive des continents
Publié le : dimanche 25 octobre 2009
London River de Rachid Bouchareb







La filmographie de Rachid Bouchareb donne envie de connaître l’homme. Comment oublier qu’en octobre 2007, l’affiche d’Indigènes s’étalait sur la façade d’un grand cinéma du centre de Pékin ? Comment oublier les larmes et les promesses, d’un certain Jacques Chirac « découvrant » le sort fait par la France à ses anciens combattants un peu « bronzés » ? Comment oublier qu’en 2006, il a présenté deux films à Cannes, Indigènes comme réalisateur et Flandres de Bruno Dumont en tant que co-producteur ?
Poursuivant sa croisière humaniste, il nous transporte à Londres, dans les jours qui suivirent les attentats de 2005. Prétexte à la confrontation de deux personnages que tout oppose. Une anglaise bon teint, Brenda Blethyn, fermière chrétienne de Guernesey, veuve d’un capitaine mort aux Malouines, mère attentive mais larguée d’une étudiante à Londres. Un garde forestier en France, musulman originaire du Mali, qui n’a pas vu son fils depuis quinze ans, Sotigui Kouyaté, haut et droit comme ses arbres, traverse le film tel une lumière. Ces deux là, inquiets, à la recherche d’une progéniture qui ne répond plus, n’auraient jamais dû se rencontrer… mais, parfois, un séisme survient, qui vient bouleverser les vies ordinaires. Elizabeth quitte donc son île, (et quelle île !) pour plonger dans la rudesse de la ville. Où elle se noie. Elle s’accroche à son corps défendant à des branches pourries, ou, tout du moins, louches. Ainsi sa fille vit dans un quartier arabe, son propriétaire musulman, (Roschdy Zem) lui donne un double des clés, chez sa fille, il y a le Coran. Et partout, elle croise ce diable d’africain, grand, noir et silencieux. Jusqu’au moment où elle doit bien admettre l’impensable. Leur recherche est commune, leur sort est lié.

Une belle première partie filmée à hauteur d’une petite fermière anglaise qui a déjà eu sa part de malheur. Mais un malheur acceptable : perdre un mari militaire à la guerre accorde un statut social. Ce qui l’attend est sans commune mesure avec son veuvage. Sa fille chérie a disparu. C’est désormais une étrangère qu’elle cherche parmi les victimes des attentats. Tout en continuant à l’appeler régulièrement, sa jolie blonde aimait un noir, apprenait l’arabe.
Accepter la présence d’Ousmane, comparer leurs photos, répondre ensemble à la police, envisager implicitement l’éventualité que leurs enfants aient pu être autre chose que victimes de ces attentats… le scénario dévide doucement sa pelote lourde de chaleur humaine.
Le film est porté par deux extraordinaires interprètes. La Brenda Blethyn de Secrets et Mensonges continue à avancer comme un petit taureau. Sotigui Kouyaté au visage fascinant, filmé en contre plongée, en gros plans, tel qu’il apparaît à Elizabeth, comme un esprit mystérieux, venu du fond des temps pour dire le besoin de paix. Un rôle comme un cadeau, suite à la collaboration initiée dans Little Sénégal. Dernière scène, Ousmane revenu au travail, donne des ordres à un forestier, qui n’est autre que Bernard Blancan. Voilà, c’est ça aussi, la marque Rachid Bouchareb, une famille d’acteurs prêts à le suivre, ne serait ce que pour une seule apparition. Une fidélité réciproque.
Michèle SOLLE

Fiche du film

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