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La Tumultueuse Vie d’un déflaté
Publié le : dimanche 4 octobre 2009
Rencontres de Gindou






L’action se passe à Ouagadougou, Burkina-faso. L’inaction plutôt. Celle du « Grand Z » personnage unique à plus d’un titre du film de Camille Plagnet. Le « Grand Z », Saïdou Ouedraogo pour l’état civil, fut, pendant 20 ans, le flamboyant conducteur de la locomotive Abidjan-Ouagadougou, beau parleur, grand viveur. Frappé en plein vol car licencié, (déflaté car victime de la déflation, en langage ouagalais…) en 1995 par la Société des chemins de Fer du Burkina-Faso, à la suite de la privatisation imposée par la Banque Mondiale. Comme nombre de ses collègues, il a tout perdu, et, survit misérablement dans l’attente de sa retraite.

Elégante silhouette longiligne, yeux de feu, voix rauque et prenante, verbe riche, l’homme accroche. Tandis que ses bras s’agitent comme les ailes d’un albatros cloué au sol, il voue aux gémonies les accords de Bretten Woods, la Banque Mondiale, et le FMI responsables de tous ses maux. Pour ne pas mourir, il écrit. Sur des cahiers, quand il pleut, qu’il est seul dans son antre, qu’il n’a plus d’argent pour manger, boire, fumer, qu’il n’a pas la force d’aller « kokoter », c’est-à-dire d’aller taper ses anciens collègues. Il écrit une pièce de théâtre, il y met en scène son double qui interpelle le monde sur la misère du peuple et du continent africain livré aux voleurs.

Le film est le fruit d’une rencontre. Un jour de 2006, le Grand Z pousse la porte du Centre Centre Culturel français de Ouaga, s’adresse au jeune homme derrière le bureau en lui tendant un manuscrit : « Tu peux me faire une photocopie ? » Le jeune homme se nomme Camille Plagnet, en service volontaire comme programmateur cinéma. Il lit la pièce, dont les qualités l’interpellent. Une relation se noue entre le grand escogriffe hâbleur et désespéré et le jeune étudiant en Master de documentaire à Lussas en 2002. Pour le Grand Z, une bouée dans son océan de misères.
Camille réécrit la pièce sous forme de scénario, l’inscrit à un atelier d’écriture organisé par JM Barbe, dans le cadre de Lumières d’Afrique et permet à son personnage de souffler 10 jours hors de son contexte, nourri, logé dans un bon hôtel et considéré par ses pairs. Mais le Grand Z, est un écrivain, pas un réalisateur. Et, tout naturellement, c’est à Camille qu’échoie la responsabilité de mettre ses mots en image.
De la pièce il a gardé des passages, qu’il fait lire par un acteur ouagalais, double du Grand Z. Entre deux, il suit son personnage dans ses faits et gestes quotidiens et recueille ses pensées. Dispositif qui renforce le propos et le statut de l’écrivain.
A Gindou, comme à Lussas, avant la projection, le réalisateur a lu une lettre du Grand Z adressée au public, dans laquelle il remercie et renouvelle sa confiance en « l’intrépide Camille ».
Le film a été projeté pendant le Fespaco 2009, hors compétition. Le réalisateur envisage une suite, qu’il produira lui-même. On y verra Le Grand Z, traverser la France et découvrir comment y vivent noirs et blancs.

Michèle Solle

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