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Gindou, 25ème édition !
Publié le : dimanche 4 octobre 2009

Déjà ! Vingt cinq ans de passion et de rencontres, ça se fête. Mais comment ? Comme d’habitude pourrait-on dire ; en vivant une semaine sur les chapeaux de roue, en confondant la nuit et le jour, les yeux secs de trop regarder, la bouche itou de trop discuter, entourés d’un tas de camarades atteints du même mal. Pour venir de Lussas en Ardèche à Gindou dans le Lot, ne pas être pressé, se perdre et s’extasier sur la beauté des paysages traversés.
Lever le pied dès l’entrée du village sous peine de le traverser sans le voir. Trois cents habitants, tous cinéphiles apparemment, et tenaces. Et des adeptes accourus d’horizons plus ou moins lointains. Si bien qu’il y a peu, un beau théâtre de verdure de 750 places a remplacé les chaises en plastique de la cour de l’école. Un peu plus compliqué pour installer son duvet nocturne ! Pour les séances de jour, il y a le Louxor, un grand chapiteau dans le pré, comme le bonheur.
A Gindou même les chiens sont cinéphiles, ils s’installent silencieusement au premier rang et n’en bougent plus. Lire la liste de ceux qui sont venus s’y mettre au vert, revient à décliner le gratin du cinéma indépendant. AlainTanner, Abderrahmane Sissako, Yolande Moreau, Pierre Carles, Suzanne Bitton, Jean-François Stevenin, Avi Mograbi, Jacques Rozier…la liste serait est longue…Cette année c’était Luc Moullet, et ce drôle de type en a médusé plus d’un !
Et on découvrait, au milieu d’un programme à la richesse enthousiasmante, deux documentaires programmés à Lussas : la Tumultueuse Vie d’un Déflaté de Camille Plagnet, et les Ombres d’Oriol Canals.



Paroles de clandestins
Les Ombres d’Oriol Canals

Une plage, une grosse pirogue bleue posée sur le sable. Gros plan sur un bulldozer qui avance…et écrase la pirogue. La plage est espagnole, le réalisateur Oriol Canals est catalan. C’est son premier long métrage, un documentaire. Il a été présenté à Cannes 2009 par L’ACID.
Oriol Canals n’était ni à Lussas ni à Gindou où son film a été projeté, et on sait peu de choses à son sujet. Mais on peut imaginer ce qui, soudain, peut pousser un presque quadragénaire, à se lever, prendre un caméra et aller à la rencontre de ces hommes arrivés par la mer et que l’on aperçoit de loin, cachés sous les arbres, courant d’une ruine à un pan de mur, ignorés de tous, ou presque.
Et cette urgence, cette exaspération devant le sort qui leur est fait, on les sent d’un bout à l’autre du film. Une image fixe montre une chaise vide devant un mur blanc. C’est là qu’Oriol Canals va les asseoir, ces hommes, et les faire parler. Ce n’est pas un interrogatoire, mais des lettres audiovisuelles qu’il leur propose d’envoyer en Afrique, à leur famille, à leurs amis.
Des paroles adressées à ceux qui, là-bas, espèrent sans savoir, confiées à la caméra, yeux dans les yeux et nous atteignent directement. Il ya les fiers, les pudiques. Certains préservent encore des bribes d’apparence : c’est dur, mais ils sont sortis vivants de la traversée, et font croire qu’ils espèrent encore, demain, devrait être mieux Inch Allah ! … D’autres se livrent : les copains morts dans la pirogue, et l’horreur actuelle, chaque jour plus terrible, car sans espoir de fin. Une vie de bêtes, cachés, niés, réduits à néant, eux qui ont cru aller vers la lumière. En les asseyant sur sa chaise, Canals leur rend leur dignité, les remet debout, avec colère et compassion. Ils parlent à leur mère, à leur famille, leurs amis, avec amour et désespoir. Des lettres d’un autre monde, entre vie et mort sociale.

Des scènes du quotidien, entrecoupent les moments de paroles. Tournées dans le village, ses alentours. Leur univers, entre cartons et murs défoncés, les gestes du thé, du partage, l’attente, au petit matin d’une embauche hypothétique, les visages qui se détournent à leur approche, les yeux vides des habitants, et, miracle, le café où la veuve les reçoit, chaleur, humanité ordinaire. Seul endroit où ces fantômes ont le droit de fumer, boire, parler…
Les commentaires seraient superflus. Mais la caméra d’Oriol Canals devient le prolongement de sa révolte, muette et active. Montrer, l’insoutenable. Les scrappers qui viennent raser la dalle de béton où la théière fume encore, les ballots vite faits, une fuite de plus entre les arbres. On pense à une autre « jungle » récemment effacée de la carte.
En scène finale, une main écrit les adresses où les cassettes audio seront envoyées…il y aurait un autre film à faire… A l’arrivée.

Michèle Solle

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