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Entre eux et moi, c’est la guerre !
Publié le : jeudi 15 septembre 2011
Laïcité, Inch’Allah ! de Nadia El Fani

Avec sa casquette de mineur et ses lunettes de soleil, Nadia El Fani vient secouer les bonnes mœurs de la Tunisie devenue de plus en plus conservatrice et bigote sous Ben Ali. Et elle tombe bien, Ben Ali est parti quelques mois après le début du tournage de son film pendant le Ramadan en 2010.

Militante fervente de la laïcité, entourée de femmes luttant passionnément, féministe dans un pays qui a renoué avec le voile, Nadia la trublionne vient filmer les gens qui mangent dans un snack à Tunis en plein Ramadan et se fait rembarrer. Se prend le bec avec un serveur de restaurant qui ne sait pas bien si elle est Française - et dans ce cas, pas de problème pour lui servir un steack-frites - ou Tunisienne - et dans ce cas, elle est supposée jeûner. Et comme Nadia passe agilement du français à l’arabe... trouble dans le genre culturel ! Nadia raconte son père. Athée mais respectueux de l’Islam et sa mère, chrétienne. Son enfance dans une Tunisie libérale, ouverte et tolérante, dans les années Bourguiba, dont elle nous livre quelques images nostalgiques. Mini-jupes et vitellone !

Impertinente, iconoclaste, un peu comme l’avait fait Nanni Moretti avec le Pape, les catholiques et la politique (mais pas encore le génie du grand maître - ça va venir inch’Allah), Nadia s’implique, se passionne, répond, gueule, râle, s’exhibe, plaide, agace même parfois, provoque – à mort ! - et aussi, rigole. Elle interroge des Musulmans qui ne font pas le Ramadan, des vendeurs de bière ; organise un « pique-nique de protestation » sur la plage... (qui ne déclenche, hélas, pas de déploiement des forces de l’ordre). Participe à des meetings, débat avec des copines, argumente encore et encore. Et dans sa voix off pleine d’humour, sur fond d’un raga tunisien assez subversif, elle étrille, assassine, dit ce et ceux qu’elle aime. Ou n’aime pas.
Les intégristes « Entre eux et moi, c’est la guerre ». Après la première projection du film à Tunis, le 26 avril, en présence de centaines de personnes, une page Facebook appelle à son assassinat ! A la deuxième projection, un groupe de salafistes force le cinéma en proférant des menaces. La police intervient. « Le film a été projeté quand même ». Elle est soutenue par Ni Putes Ni Soumises et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH). Espérons que l’universalité de son propos ne soit pas desservi par la tournure des choses. Nul n’est prophète en son pays, dit le proverbe. "Est-ce que le film sera visible sur Internet ?" questionne une tunisienne lors de la première du film à l’hôtel de ville de Paris. "S’il faut, on le piratera ! - n’est-ce pas, David ?" sourit la réalisatrice a son producteur, David Kodsi (Kien productions).

L’Histoire a donné raison à son combat, Nadia a partagé l’élan, de la révolution même si elle n’est pas le sujet même du film. Les images de la révolution ouvrent le récit, mais le film, comme le dit la réalisatrice, a été essentiellement tourné avant. Elle dit en voix off : « Et c’est comme si cette dictature n’avait existé que pour enfanter ce moment. »
Mais de quoi l’avenir sera-t-il fait ? Les mouvements intégristes ont du succès dans les quartiers populaires, lui explique une jeune femme interviewée sur un trottoir de Tunis.

Une réflexion profonde sur l’avenir de la Tunisie, une véritable rencontre avec la diversité de ceux qui composent sa société civile est un film qui reste à faire. La parole n’est pas donnée jusqu’au bout à ceux qui pensent autrement. D’aucuns reprocheront à la "française d’origine" de venir donner une leçon de laïcité au peuple tunisien, voire de servir un propos politique Nord/Sud qui lui échappe. Nadia dit ce qu’elle pense, avec courage et sincérité, sans cacher ce qu’elle est. Pour un public français, la laïcité va de soi. Que pensent les publics dans le monde arabe, en Afrique ?
Nadia El Fani a lancé le débat. Redevenue parisienne, elle donne son énergie à la lutte pour une Tunisie laïque, ouverte, qui n’oblige pas tous ses citoyens à pratiquer le Ramadan. « On n’a pas à rappeler qu’on est musulman en Tunisie, ce serait comme déclarer que la mer est bleue ».

Caroline Pochon

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  • Le 16 septembre 2011 à 01:09

    "Nadia El Fani vient secouer les bonnes mœurs de la Tunisie conservatrice et bigote" Mais comment osez vous écrire ca !!! c´est tout simplement miserable.Lisez bien l´histoire de la Tunisie, plutot que vos catalogues Club Med !
    c´est une preuve irrefutable de votre me connaissance totale de la réalité tunisienne actuelle, si ce n´est la Tunisie éxotique dans la quelle vous aimez bien bronzer pas chér !
    Ce film est nullisime, et le sujet aurait pu etre traité d´une facon plus intelligente et moin provocatrice, surtout en période sensible, preuve de la déconnexion totale de la réalisatrice de la Tunisie et de sa société, et montre plutôt la frustration et le probléme iddentitaire interne d´une femme qui croit être réalisatrice.

    Et le comble c´est que vous osez publier ca dans un espace publique. Quel culot !

    • Le 20 septembre 2011 à 09:07, par Clap Noir France

      Le site de Clap Noir est un espace où nous critiquons les cinémas, entre autres engagés. Nadia El Fani donne son propre regard, singulier et assumé comme tel, sur la Tunisie. Nous sommes conscients des difficultés politiques que traverse la Tunisie, ce qui fait du film un objet très sensible, mais en quoi serait-ce une raison pour ne pas parler d’un film qui a le mérite d’aborder un débat qui semble important pour l’avenir politique de la Tunisie ?

      Vous avez souhaité réagir (sans signer), c’est votre droit, manifestement vous n’avez pas aimé le film et encore moins la cinéaste …. Vous confondez donc le film, comme objet à part entière, la personne qui vous dérange et la réalité tunisienne dont vous dites qu’elle nous échappe (à elle et à nous)...

      Il semble que vous émettez le désir d’une étude rigoureuse et d’un débat politique structuré, mais ce n’est pas la mission de Clap Noir. Notre mission est d’offrir un point de vue et le jeu de la critique est libre. Il peut être partisan, comme d’ailleurs doit l’être le cinéma.
      Nous tentons d’être un lieu ouvert au débat, c’est pourquoi nous avons choisi de publier votre texte. D’autres réactions sont les bienvenues sur le site. Nous parlerons des autres films qui aborderont le sujet.

      La rédaction

      • Le 29 octobre 2011 à 21:28, par dready

        "Film" si je puis dire sans grand interet. Je veux dire par la, que je n’y arprend rien, que je n’y trouve aucune "histoire", aucun fil directeur, pas d’emotion, un defilé d’image ,de voix mises bout a bout, un documentaire m’a t on dit ? J’essaie d’y croire mais rien a faire....pourtant j’aime la provocation , meme la plus brutale, meme celle qui ne va pas dans mon sens, et la....un vide siderale, une odeur de reglement de compte, un objet tres personnel ou plutot "privée" qui ne regarde que la realisatrice et ses probleme perso.. Cette production n’est pas un don, malgré l’energie qu’elle a du y mettre.
        C’est la seule chose que je respecte en fait, l’energie qu’elle a mit.
        On peut etre partisan mais pas "menteur" , je trouve que cet objet cinematographique est une imposture a tout point de vue et que cette tentative artistique, politique et sociale est ratée, contrairement a la volonté de faire parler de soi , ca, c’est reussi. J’espere que sa prochaine realisation sera serieuse, honnete et documentée. Y a du chemin.....

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