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"La fiction, c’est la séparation"
Publié le : vendredi 6 avril 2012
Documentaire et fiction, France et Algérie

Extraits des réflexions de la réalisatrice Dominique Cabrera
lors de la table ronde proposé par ADDOC dans le cadre du festival du Cinéma du Réel 2012.

Pour les 20 ans de l’association ADDOC, dans le cadre du festival du Cinéma du Réel, une table ronde a été menée sur le thème documentaire et fiction, double pratique. Invitée en compagnie des réalisatrices Julie Bertucelli et Françoise Romand, la réalisatrice Dominique Cabrera, Française originaire d’Algérie, commente le passage de deux extraits, l’un de son long métrage de fiction De l’autre côté de la mer (1996), l’autre d’un documentaire, Rester là-bas réalisé plusieurs années auparavant, en 1992. Dans cet extrait, on rencontre une Française ayant choisi de prendre la nationalité algérienne après l’indépendance, en 1962. La réalisatrice raconte son itinéraire et analyse les liens entre fiction et documentaire (extraits de son intervention).

Trouver un fil pour faire un film

Pour la réalisatrice, dont l’œuvre va d’un genre à l’autre, le documentaire n’est pas un banc d’essai avant de passer à la fiction. C’est une démarche différente, qui relie alors que finalement, la fiction sépare. Elles ne sont pas à opposer.

J’ai d’abord aimé la fiction, j’ai d’abord voulu être cinéaste, mais je n’arrivais pas à faire de fiction. Le documentaire a été une sorte de porte d’entrée pour faire des films. La fiction était pour moi comme un saut dans le vide, je ne pouvais pas. J’écrivais des bouts d’histoire, des dessins, je décrivais des repas de familles pied-noires... Je cherchais un fil pour raconter une histoire entre l’Algérie et la France.

La fiction, c’est la séparation

L’un des extraits du film De l’autre côté de la mer montre une bagarre, la réalisatrice revient sur la notion de bagarre, qui crée un lien dynamique entre son approche en fiction et son approche en documentaire.

Parfois, j’ai une idée "en" documentaire, parfois "en" fiction, ce qui ouvre davantage sur mon inconscient, mon imaginaire. Mais je ne me dis pas : "j’aimerais filmer une bagarre, je n’y arrive pas en documentaire, je l’écris en fiction". C’est qu’il y a, dans la chorégraphie d’une bagarre, des corps qui se prennent et se déprennent et j’avais envie de filmer cela. La fiction, pour moi, c’est la séparation. Et la bagarre, ça cogne, ça sépare. En documentaire, je cherche à mettre en rapport le monde intérieur et extérieur, je donne la main à quelqu’un et c’est un lien que je fabrique.
Pour De l’autre côté de la mer, je voulais faire un film sur l’Algérie à Paris. Je voulais trouver des personnages qui fassent écho à ces différents sentiments, faire que les choses existent autrement que dans les mots écrits dans le scénario. Je voulais quelque chose de "vrai", plus que de la fiction, je voulais capter un sentiment qui est aussi proche que celui que j’ai lorsque je filme Fanny Colonna dans Rester là-bas. Si je suis juste, l’autre sera juste. C’est un dialogue des inconscients.

Personne-personnage

Au delà de la forme choisie, la notion de personnage est commune au documentaire et à la fiction, dans des approches pourtant bien différentes. La réalisatrice évoque le choix des comédiens en fiction, chacun incarnant une partie d’elle-même et différentes facettes de la vérité qu’elle cherche faire exister à l’écran. Elle distingue le personnage de fiction de celui du documentaire, qui préexiste au film : elle va à sa rencontre.

Avec Fanny Colonna, que j’ai filmée dans ce documentaire, je tisse un lien entre elle, moi et le sujet. (…) Elle pourrait tout à fait entrer dans la salle et dire qu’elle ne se reconnait pas dans le film ! Cela n’a rien à voir avec le travail que l’on peut mener avec un comédien. Mais le regard de documentariste transforme la personne en personnage.

Caroline Pochon
2 avril 2012

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