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Le bonheur d’Elza – Cannes 2011
Publié le : vendredi 27 mai 2011
Mariette Monpierre et Stana Roumillac


Mariette Monpierre, France, 79’



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Mariette Monpierre a réalisé des documentaires Sweet Micky for president, Knowledge is power…, des documentaires musicaux (Malavoi), un portrait de Gerty Archimède (Gerty Archimède, la candidate du peuple) première femme noire avocate de France et des court-métrages Rendez-vous et Chez moi dans Paris la métisse.
Elle vient de signer son 1er long métrage de fiction Le bonheur d’Elza, distribué en Martinique et en Guadeloupe en avril 2011, il sera programmé à Paris à l’automne.

Stana Roumillac tiens le rôle principal dans Le bonheur d’Elza. Elle a joué dans des téléfilms français (Diane Femme flic, Plus belle la vie, Joséphine Ange Gardien…) et dans Tourment d’amour de Caroline Jules. Elle est aussi comédienne de théâtre (Combat de femmes de Luc Saint Eloy, L’impromptu du palais royal de Jean Cocteau).

La quête du père

Clap Noir
Comment est née cette histoire de jeune femme qui recherche son père ?

Mariette Monpierre
Le film est né de ce besoin que j’avais de m’exprimer sur une question qui me tenait à cœur : j’étais obsédée par le fait que je ne connaissais pas mon père. Un jour, j’ai osé aller vers lui, je suis retournée en Guadeloupe le chercher, je l’ai trouvé. C’est de cette rencontre que je parle dans le film. Ce n’est pas une autobiographie, j’ai rendu l’histoire plus dramatique, avec une fin différente de l’histoire réelle.

Stana Roumillac
Je pense qu’on a toutes des soucis avec nos parents, surtout les filles avec le père, donc cela a été pour moi un lien assez direct avec le personnage d’Elza. Les choses arrivent au bon moment. Je crois à la destinée. Et j’espère avoir pu apporter en tant que comédienne des choses au personnage d’Elza, au stade auquel j’étais de mon propre cheminement personnel. Par l’intuition, l’immédiatement, le ressenti, j’ai trouvé des points communs avec ma propre histoire. Mon père n’est plus vivant, mais… Quelque part, on peut faire un parallèle avec une situation qu’on connaît, quelqu’un de la famille.

Mariette Monpierre
Pour le personnage d’Elza, c’est pour la comédienne une forte responsabilité de porter à l’écran un personnage qui est tiré d’une autobiographie de la réalisatrice. Stana s’en est sortie brillamment. Elle a apporté une dimension au personnage dont je ne rêvais même pas. Elle a été plus sensuelle, émotive, plus femme, que le personnage que j’avais en tête, ce qui a été un vrai plus pour le film.
La question du père, l’absence du père aux Antilles est un problème qui interpelle le public, c’est un trait de notre société. Les gens viennent me voir après la séance pour me dire : « c’est mon histoire, je me suis reconnu, merci d’en avoir parlé, grâce à ton film je vais tenter de me rapprocher de mon père, dialoguer ». J’ai donc l’impression d’avoir ouvert le dialogue, d’avoir lancé quelque chose. Le cinéma est un acte de solidarité, je rencontre le public. Si j’ai pu faire changer la vie d’une personne, j’aurai gagné mon pari. Et puis, l’absence et la recherche du père, c’est un thème universel. Mais dans un contexte antillais, je me suis rendu compte que le public était en attente d’un film antillais qui parle de cela.


Mariette monpierre et Stana Roumillac

« Peau sauvée »

Clap Noir
La thématique de la couleur de peau traverse le film. Le père vit avec une femme blanche et reproche à sa fille qui vient le retrouver d’être plus noire que lui… On a l’impression que la thématique raciste traverse ce récit intimiste. Est-ce que cela correspond également à une réalité dans les famille antillaises ?

Mariette Monpierre
C’est juste une histoire, je ne fais pas de généralités. Mais j’ai constaté que la société guadeloupéenne est très mixte, métissée, on va du blanc au noir, en passant par l’indien, le chinois, le libanais, indien d’Inde, indien de la Caraïbe… Il a, comme on dit en anglais, des « shades of colors », des gradations de couleur de peau. Certains le vivent très bien, d’autres très mal. Souvent, quand un enfant naît, la mère ou le père dit : « alors, il est sorti comment ? ». C’est très commun. Est-ce qu’il plus noir ou plus blanc ? Il y a aussi l’expression « bon cheveux, mauvais cheveux ». Ce sont des réalités de la société antillaise, post-esclavagiste. La stratification sociale est verticale, il y a d’abord les métropolitains ou les Blancs. Plus on est clair, plus on est haut et après, ça descend !

Stana Roumillac
Et si on a les cheveux frisés. Cela entre en compte.

Mariette Monpierre
On parle dans la littérature des chabines, on parle des coolies, des noirs, des békés…

Stana Roumillas
Bata zindiens, bata chinois - Batârds indiens, en fait ! Chabine, mulâtre, c’est pareil. Ce sont des noms d’animaux, au départ. Toute cette hiérarchisation vient de l’esclavage. On parle de « peau sauvée » aussi.

Mariette Monpierre
Cette classification commune des gens selon leur couleur, ces mots ont un impact sur le psychisme des uns et des autres. Je n’ai fait que retranscrire ce que je voyais autour de moi.

Propose recueillis par Caroline Pochon

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