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Rencontre avec Penda Houzangbe et Jean-Gabriel Tregoat
Publié le : vendredi 31 août 2012
Atlantic produce Togo s.a.

Comment est venue l’idée de filmer la vie (ou la survie) de cette entreprise au Togo ?

Tony est un ami d’enfance et comme moi, il est togolais, ayant vécu en France. Lorsqu’il a repris la société avec sa compagne française, nous avons vu là un film à faire rapidement, sans attendre de financement. On s’était rencontrés à l’école de cinéma de Cuba et on voulait faire un film ensemble. Ce couple franco-africain ressemblait un peu au nôtre. C’était l’occasion. Il fallait montrer la trajectoire. Six mois plus tard, il se pouvait que le sujet ait disparu. On a tourné quatre mois.

Quelles ont été les conditions de tournage ?

On a d’abord essayé de travailler avec un producteur togolais, mais on ne s’est pas entendu à propos du film qu’on voulait faire. Alors, on a acheté une caméra, un micro et une perche. Et on est partis tous les deux (Jean-Gabriel a fait l’image, Penda a fait le son et plus tard le montage). On a tourné quatre mois. Sans aucun soutien sur toute la période du tournage. Et sans autre aide technique, puisqu’on n’avait pas les moyens de payer un technicien. Mais on ne regrette pas d’avoir tourné à deux. Pour faire du cinéma direct, c’est bien. On n’occupe pas trop d’espace. Tout le monde est occupé. L’outil protège. On n’est pas là, à observer ou discuter, on s’occupe de sa machine. On était d’ailleurs calé sur la vie de l’entreprise, on faisait les mêmes horaires. On a vite fini par faire partie du décor !

Le fait d’être plutôt du côté du patron n’a-t-il pas amené un conflit, lorsque vous avez filmé le conflit social ?

Non, les personnels de l’entreprise étaient cool. Ils n’ont jamais cherché à nous instrumentaliser. Ils voyaient qu’on observait, que l’on était ni d’un côté, ni de l’autre. La caméra était secondaire, pour eux.

Quelle est votre motivation intime pour faire ce film ?

Pour nous, il y a un jeu de miroir vis à vis de Tony et sa femme, qui entreprennent au Togo. Un couple mixte d’entrepreneurs en Afrique. Nous sommes aussi un couple mixte et si nous entreprenions en Afrique, nous serions sans doute confrontés au même genre de situation. Il y a donc une solidarité. Nous ferions partie de la même classe sociale qu’eux. Une classe sociale ayant un rapport fort avec le Nord, avec la France. C’est un milieu qui concerne 2 à 5% de la population. Avec des privilèges, comme le fait de pouvoir voyager sans visa, d’avoir des copinages, avoir fait ses études en Europe... Quelles que soient nos intentions, on fait partie de cette classe sociale. Des gens qui sont à un point de jonction, à l’interface nord/sud.

Alors, peut-on être un « bon » patron au Sud ?

On pense que non ! Il y a quelque chose dans la structure qui ne marche pas, on n’y échappe pas. Cette position-là, c’est la nôtre. Qu’on monte une ONG, une entreprise « sociale » ou autre, on est gentil, on est un patron « social » mais on n’échappe pas à ce rapport social.

La question de la relation nord-sud est donc très présente, préoccupante.

On s’est rencontrés à l’école de cinéma de Cuba, en 2004. Cette école avait une démarche tiers-mondiste. Il fallait faire des images du sud pour le sud. Mais il ne faut pas oublier que les élèves qui fréquentent cette école sont souvent des gens qui viennent d’une élite latino-américaine. Il y a déjà un biais. Les valeurs d’origine de l’école sont fortes. A l’origine, les Européens n’y étaient même pas admis. Il y avait des Africains, des Vietnamiens. Mais aujourd’hui, l’école appartient à une fondation. Et même avec toutes ces belles intentions, cela reste difficile de parvenir à le faire vraiment.

Propos recueillis par Caroline Pochon
Lussas août 2012

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