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Surtout ne pas rater le passage de témoin
Publié le : jeudi 28 février 2013
Fespaco 2013

À qui la faute ? À qui incombe la faute de la mort annoncée des cinémas d’Afrique ? Pourquoi, aujourd’hui, voir un film africain relève d’un véritable parcours du combattant ? Pourquoi les salles ne font que fermer les unes après les autres ? Pourquoi ? Pourquoi ? Autant sont les pourquoi que nous nous posons, chaque fois que nous venons assister au Fespaco et que nous nous rendons compte que, malgré les chiffres avancés, le cinéma de tout un continent n’arrive pas à décoller, cinquante ans après les indépendances.

Quelques vérités. L’Afrique est un continent et non un pays. Le continent africain, c’est 54 pays et plus d’un milliard d’habitants. Et son cinéma ? Ou ses cinémas ? Longtemps, les spécialistes du cinéma parlaient du cinéma africain. Toute la production dans une seule et même calebasse identitaire : celle de l’Afrique. L’Afrique est plurielle et son cinéma aussi. Aujourd’hui, l’appellation des cinémas d’Afrique a fait son chemin et est acceptée par tous.
Alors, ces cinémas, qu’en est-il réellement ? Est-ce juste une appellation ou une industrie ? L’industrie cinématographique n’existe en vérité que dans quelques pays du continent. Nous pouvons citer le Nigeria, un géant de la production, l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Égypte. Nous avons ensuite des individualités qui se sont battues et continuent à se battre pour une ou deux productions chaque deux ou trois ans.

Nous avons toujours connu un cinéma dépendant. Dépendant des aides extérieures, des techniciens non africains, des salles de montages des pays du Nord. Du point de vue du financement, pour accéder aux différents fonds, nombreux sont les producteurs et les réalisateurs qui sont obligés de vivre en Europe. Aucun fonds de soutien n’existe que sur le continent. Alors, si les pionniers conduisent la production en dehors de l’arène de lutte, nous pouvons comprendre aisément les problèmes de relèves qui s’annoncent.


Parlant des salles de cinéma, il en existe presque plus sur le continent. Le milliard d’africains que nous sommes ne peut plus aller au cinéma faute de salle obscure. Des associations se battent pour réhabiliter une ou deux salles par pays. Mais, cette lutte sera-t-elle productive si ces salles n’ont rien à projeter ? On peut amener les gens à aimer un cinéma s’ils regardent des films qui parlent de leurs vies. Il est vrai que l’homme africain n’est pas appelé à se fermer sur lui-même, mais, il y a ici, un équilibre à trouver entre production locale et films importés.
Il est important pour nous de souligner un élément qui ne permettra jamais l’émergence d’une industrie cinématographique en Afrique : c’est l’aide. L’aide, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale tue la production. Aujourd’hui, nous ne savons que compter sur ce que l’on nous donne. Mais, la main qui donne contrôle aussi ce qui se fait. Les cinéastes en savent quelques choses, eux qui sont obligés d’entrer dans un format bien précis s’ils veulent bénéficier d’une aide quelconque. Il est important de revoir l’aide à la production. La politique de la main perpétuellement tendue ne paye plus et surtout n’ennoblit pas l’homme. C’est bien ce que disent les Chinois. Apprendre à pêcher plutôt que donner du poisson.
Aujourd’hui, nous remarquons l’émergence de jeunes cinéastes. Que vont-ils trouver ? Quel témoin l’ancienne génération va-t-elle passer à la nouvelle ? La situation économique internationale ne favorise plus le financement du cinéma. Les Européens et les organisations internationales sont tellement touchés par la crise qu’il est impensable qu’ils mettront autant d’argent que par le passé dans les cinémas d’Afrique.
Seuls les Africains pourront décider, tous complexes mis à part, de comment ils pourront mettre en place, dans chaque pays et peut être au niveau sous-régional, des industries cinématographiques. Les banques et autres institutions financières doivent voir dans le cinéma, une valeur sure et ne pas hésiter à le financer. Les chaînes de télévision doivent faire le choix, entre des programmes offerts gratuitement pour des mécènes et la diffusion de production locale.
Dans cette mondialisation où celui qui n’avance pas se fait piétiner, les cinéastes africains doivent, comme ils le disent si bien dans les films, se lever et se battre pour que vivent les cinémas d’Afrique.

Achille Kouawo

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