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Une Sous-France
Publié le : jeudi 24 février 2011
Fespaco 2011

Paris mon Paradis, d‘Eléonore Yaméogo







A ceux qui ont parié sur Paris, l’eldorado du nord, attirés par ses lumières, qui ont rêvé d’y trouver leur place, travailler, aider leur famille, marcher la tête haute et revenir au pays chargés de cadeaux, à ceux qui rêvent du mythe cultivé par leurs frères, à ceux qui se sacrifient plutôt que d’avouer leur échec, Florence Yaméogo, réalisatrice burkinabé en situation régulière en France, dédie son premier film, et révèle l’envers du miroir aux alouettes.
Décors : Sacré Cœur de jour, Château Rouge de nuit. Misérables campements à même le sol, pitoyables tentatives commerciales. Pour supporter le froid, la faim. En attendant que ça s’arrange, qu’un miracle vous donne des papiers, la retraite qu’on vous a volée, un logement, un boulot. Et de solidarité dans ce quartier plein d’Africains, si peu ! Si grande est la misère, si rares les places au soleil ! Si rare le soleil !
La réalisatrice, en situation régulière, s’émerveille de la ville lumière, et va à la rencontre des laissés pour compte, naufragés de l’Afrique et de leurs illusions. Ambroise le sénégalais, Bintou la burkinabé, l’ivoirien, le guinéen, des années de galère en France et le vieux travailleur malien qui attend sa retraite en dormant sur le trottoir : ils témoignent.
Plus que les inhumaines conditions de survie qui attendent les candidats à l’émigration, ce sont les mensonges véhiculés par ceux qui n’osent pas avouer leur échec que la réalisatrice dénonce. Ces mensonges qui suscitent toujours des vocations à l’exil et empêchent tout retour au pays, confortent la fierté des familles qui comptent sur leurs champions pour ensoleiller leur vie. Le rêve, l’espoir que le lien qu’il représente avec la ville miracle, va les nourrir et les couvrir de gloire.

Dire à la famille qu’on finit dans le lit d’inconnus pour ne pas mourir de froid ? Qu’on dort dans un manège et qu’on se réveille à la vodka ? Qu’on rogne sur son pain pour envoyer des mandats ? Qu’on demande, en vain, aux flics de vous renvoyer au pays ? Alors on téléphone, joyeux : « Oui, tout va bien ! ». Bintou a eu un enfant « avec un monsieur », et les services sociaux l’ont aidée. Achille dont la fiancée française avait refusé sa demande de mariage, est père maintenant : « cet enfant m’a sauvé la vie en France ! » La solution ? Il a un boulot et relève la tête : « maintenant que je suis adapté, je commence à les comprendre ! »
Bintou retourne enfin chez elle, se ruine pour remplir sa valise de cadeaux, et retrouve sa vie d’avant la famille, la maison, les malentendus. Si triste Bintou ! De nulle part !


Michèle Solle

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