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Cinéma en Afrique : un cinéma en sursis ?
Publié le : mercredi 16 février 2011
Fespaco 2011

Depuis Afrique sur Seine en 1955 et Borrom Sarett en 1959, les cinémas d’Afrique peinent encore à se faire une place dans le marché mondial des arts. Très tôt, les pionniers de cinéma ont essayé de comprendre quels sont les problèmes qui minent cet art.

Déjà en 1975, Tahar Cheriaa, critique et fondateur des journées cinématographiques de Carthage, écrivait : « le problème de la distribution est assurément le problème-clef -celui qui détermine principalement tout le reste - en matière de cinéma dans les pays africains et arabes » (1) . Le critique a identifié trois raisons à la difficulté de la distribution des films sur le continent. Les raisons économiques, les raisons sociales et culturelles et enfin, les raisons politiques. Aucune évolution ne peut se faire sans une prise de conscience des différents acteurs du cinéma en général et les états en particulier selon Tahar. Il fallait en quelque sorte décoloniser les écrans et la distribution en mettant en place, des circuits viables qui détermineront la création et le maintien d’un marché cinématographique en Afrique.

Décoloniser les écrans et mettre en place une réelle politique de production cinématographique. Tel fut l’objet du premier colloque international sur la production cinématographique en Afrique, colloque qui a eu lieu à Niamey en mars 1982. Après avoir constaté l’absence de production régulière sur le continent, les participants ont adopté des recommandations dans plusieurs domaines, dont celui du marché cinématographique. Le colloque préconise à chaque état d’organiser, de soutenir, d’assainir et de développer un marché cinématographique à travers les salles. Pour atteindre cet objectif, le colloque demande la mise en place d’une billetterie nationale pour le contrôle du marché ; la création des points de projections dans les zones qui en sont démunies ; la révision de la fiscalité cinématographique et l’investissement dans la construction des salles.

Le problème des salles de projection ne trouve toujours pas de solution. Les salles se ferment les unes après les autres. En cause : la rentabilité. Ne faut-il pas inventer une nouvelle approche ? L’expérience du cinéma numérique ambulant montre l’intérêt des cinéphiles pour les projections. Nous pensons qu’il faut passer à des salles de dimension humaine. Pourquoi ne pas essayer des petites salles de 50 à 100 places, avec des projections de DVD ? La qualité de la projection avec le numérique aujourd’hui permet de profiter largement des films. Les écoles doivent aussi entrer dans le jeu. Il faut mettre en place, dans les établissements, des cinés ou des vidéos clubs, car, l’apprentissage de la lecture des codes cinématographiques doit se faire dans un cadre formel.

Les critiques ont aussi leurs pierres à apporter à la survie de ce cinéma. En effet, très peu sont les journaux qui proposent des articles sur le cinéma. Il est nécessaire, pour le développement d’un art, que les critiques fassent des papiers pour non seulement permettre aux cinéphiles de se faire une opinion des films, mais permettre aussi aux réalisateurs de profiter des critiques pour améliorer leur travail. Le retour d’une revue spécialisée en cinéma serait le bienvenu.
Le dernier point sur lequel nous souhaitons nous appuyer est la recherche. La recherche universitaire est l’un des facteurs du développement d’une science. Très peu sont les universités africaines qui proposent des unités de recherche en cinéma. Ce manque de recherche explique le déficit d’articles scientifiques ou de livre permettant une culture cinématographique de qualité. Comment faire progresser un cinéma sans référence solide dans l’art et la science ? Comment faire pour catégoriser scientifiquement les différents courants cinématographiques en Afrique ? Du travail en perspective. Le prix que le Fespaco réserve aux films des écoles est déjà une belle avancée.

En somme, pour qu’un marché efficace soit mis en place en Afrique, il faut nécessairement une réflexion et des stratégies multidimensionnelles en amont et une industrie cinématographique en aval. Laissons le dernier mot à Boubakar Diallo qui dit : « nous restons convaincus que pour relever le défi de son industrialisation, le cinéma d’Afrique devra nécessairement passé par le cinéma numérique HD, plus adapté aux économies du continent » (2).

Candide Etienne

1. Tahar Chériaa. (1975). Distribution cinématographique et nationalisation. Ethiopiques numéro 01. Consulté sur http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article613

2. Le Film africain et le film du sud, Numéro 55/56. Février 2009.

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