Le onzième prix de l’ INALCO* (Langues O), inauguré en 1989, a cette année été remis, mais seulement à la sauvette, en marge du FESPACO officiel. La remise des prix spéciaux s’est très mal passée pour nous. Je n’ai appris qu’en entrant dans la salle que j’étais persona non grata !...
Pour avoir le droit de donner un prix cette année, il fallait verser 1 million de francs CFA à l’organisation du Fespaco, en plus du prix ! Notre prix, traditionnellement une caméra vidéo HD, était cette année d’une valeur de 3 millions de francs CFA, tout était déjà budgetisé quand j’ai appris la nouvelle : impossible d’obtenir une rallonge d’un million en janvier.
Le nouveau délégué général a parlé de "partenaires crédibles", mais quand on voit les partenaires officiels, ce ne sont que des banques (Ecobank, Bank of Africa) ou des organismes internationaux (UEMOA, CEDEAO, Unicef). Il faut avoir les moyens pour être un partenaire crédible ! Pas crédible l’INALCO ? Nous enseignons 14 langues africaines, nous avons fait 14 ans de ciné-club africain hebdomadaire (bon nombre de personnalités actuelles du FESPACO ou de la RTB, alors étudiants, en ont été des spectateurs assidus), j’y enseigne l’histoire des cinémas africains depuis 21 ans et je suis présent au FESPACO depuis 1985. Idrissa Ouedraogo, Gaston Kaboré, Dani Kouyaté, Adama Drabo, Jean-Marie Teno ont donné des conférences, animé des débats ou sont venus présenter leurs films dans notre institut…
Je m’interroge également sur le sens d’une autre « innovation » 2009 : les jurys des prix spéciaux devaient comprendre une personne désignée par le FESPACO. Que signifie cette mise sous tutelle, qu’en est-il de la souveraineté du jury ? Heureusement, il s’est trouvé que notre membre supplémentaire était une connaissance de longue date et que nos délibérations ont été passionnantes !
Je suis déçu et perplexe face à cette nouvelle organisation. Je m’interroge sur la manière dont nous pourrons renouer avec le festival pour la prochaine édition, surtout à une période où nous réfléchissions aux moyens de pérenniser notre partenariat.
Du coup, nous avons remis notre prix en indépendants, mais entourés par plusieurs de nos anciens lauréats, qui ne nous mégotent pas notre « crédibilité ». Nous l’avons remis à Amor Hakkar pour "La maison jaune". Ce film est une épure esthétique, il se laisse voir sans aucune arrière-pensée politique ou sociologique. Le bonhomme est sur sa pétrolette au milieu du paysage. L’émotion est suscitée par la réalisation, pas par un discours. C’est un film qui se suffit à lui-même. En plus pour l’INALCO il est en langue berbère (chaoui). Il ne s’inscrit pas dans un genre, il ne cherche pas à faire américain à tout prix, comme par exemple "Jérusalema", ou encore comme le film de Mama Keïta "L’absence" qui tourne un peu à la série B à mesure que le film avance. Notre jury avait aussi une tentation pour "Teza" d’Haïlé Gerima, mais c’est un film dont la compréhension nécessite un bagage historique, alors que "La maison jaune" se voit "tout seul" et s’est donc imposé à nous comme une évidence. Nous prévoyons prochainement une projection à l’INALCO avec le réalisateur.
INALCO* : Institut National des Langues et Civilisations Orientales
Les précédents « Prix de l’INALCO » :
1989 – Yaaba d’Idrissa Ouedraogo
1991 – Ta dona d’Adama Drabo
1993 – Hyènes de Djibril Diop Mambety
1995 – Guimba de Cheick Oumar Sissoko
1997 – Buud yam de Gaston Kaboré
1999 – La vie sur terre d’Abderrahmane Sissako
2001 – Sia, le rêve du python de Dani Kouyaté
2003 – Abouna de Mahamat Saleh Haroun
2005 – Zulu love letter de Ramadan Suleman
2007 – Ezra de Newton Aduaka
Propos recueillis par Caroline Pochon
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
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