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Festival Mémoire Vive, Regards sur l’esclavage
Publié le : vendredi 2 mai 2008
3ème édition - Du 2 au 10 mai 2008, Paris

Le 7 mai 2008, musée Dapper
Petit bilan artistique du festival







Clap Noir revient du festival Regards sur l’esclavage, dont c’est la troisième édition, baptisée mémoire vive, héros et résistance, proposé par RFI à l’initiative de Catherine Ruelle, au Musée Dapper du 2 au 10 mai 2008,

La programmation est magnifique, elle juxtapose le documentaire et la fiction dans une véritable approche historique sur la thématique de l’esclavage et des luttes ayant conduit à son abolition. Les héros de cette résistance y ont leur place, de Toussaint Louverture à Schoelcher, en passant par l’immense peuple des marrons, que nous apprenons ici à mieux connaître, y compris dans leur relations avec les maîtres blancs.

A très juste titre, très peu de temps après le décès du grand homme, le festival ouvrait ses portes sur le très fin portrait d’Aimé Césaire par Laurent Chevallier et Laurent Hasse (Aimé Césaire, un nègre fondamental, 2007). Respectueux et bien documenté (et bien monté surtout !) ce film dresse un portrait politique exigeant du poète de la négritude, pris dans une vie politique martiniquaise qu’il n’avait pas désirée au départ et dont il a épousé jusqu’au bout les interrogations, les choix, le destin (en tant que député-maire de Fort-de-France de 1943 à 2001). Intelligence et humour de l’homme, intelligence et humour du portrait donnent le ton d’un festival haut de gamme.

On retrouve de grands noms comme le comédien Jean-Michel Martial, présent dans plusieurs des films montrés, le réalisateur cubain Sergio Giral ou encore le guadeloupéen Christian Lara. Au coeur de cette programmation, on trouve, parmi d’autres perles trop peu souvent montrées, le très beau Sankofa, de Haïlé Gérima, film à la fois éthiopien comme son auteur mais aussi américain et burkinabé (1993). La musique, de la Socca trinidadienne à Youssou Ndour (Retour à Gorée de Pierre-Borgeaud, Suisse, 2007) (un article plus fouillé suivra bientôt, inchallah...). Et d’autres.

Présenté en clôture du festival, qu’il clôt d’une pirouette où la profondeur le dispute à l’exigence, Mange ceci est mon corps a suscité un débat passionnant sur les thèmes liés à l’esclavage et au colonialisme, ainsi qu’une véritable leçon de cinéma par Michelange Quay, un cinéaste haïtien né à New York et diplômé en cinéma de la prestigieuse New York University. C’est un premier long métrage qui révèle d’emblée déjà une vraie maîtrise cinématographique, une puissance dans le propos et une force dans le recours à l’image, au son, au montage. Un film surréaliste, dérangeant et beau. Une oeuvre d’art contemporain qui dérange parce qu’elle ose imposer un rythme et une narration à contre-temps. Où plutôt, pas à contre-temps, mais dans une temporalité voulue, assumée en toute liberté, pour ne pas dire avec une élégance qui confine à la désinvolture. Exactement comme l’est Michelange Quay. Elégant et désinvolte. Mais aussi, on le verra dans les réponses qu’il donne pendant le débat, attentif, vif, conscient.

Rarement la thématique des rapports nord-sud, des rapports liés à l’esclavage et la colonisation entre Noirs et Blancs, rarement les liens ambivalents (du désir au voyeurisme, de la haine à la tendresse, de la prédation, en allant jusquà l’ingestion et au cannibalisme !) entre une femme blanche forcément puissante et un homme noir forcément réduit à l’état de servitude n’auront été examinés avec une telle force et une telle insolence. Michelange Quay a digéré ces thématiques et a inventé un langage, qui se sert de l’image, du son, qui travaille sur l’inconscient, bref, qui a retenu les leçons de Kouletchov aussi bien que des poètes surréalistes pour raconter l’histoire de Mange ceci est mon corps.

Caroline Pochon

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