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La rivale
Publié le : dimanche 12 octobre 2008
Une fiction sur la polygamie en France : l’émotion est là

Vu au cinéma Images d’Ailleurs, La rivale est une petite découverte qui, si on ne la défend pas, ne rencontrera pas le large public qu’elle mérite. Le scénario a été écrit par la comédienne Laurentine Milebo, souvent vue déjà dans les films de Jean Odoutan notamment. C’est elle qui porte aussi le film avec son personnage de femme trompée, de première femme. Elle a été rejointe pour l’écriture par le réalisateur français Edouard Carrion qui a réalisé le film sans producteur, avec ses propres moyens, sans bien se rendre compte qu’il s’embarquait pour deux ans de travail. Et c’est ainsi qu’on se lance dans l’aventure d’un premier long métrage.

La politique du film est d’exister uniquement en DVD. Il sera vendu dès octobre prochain dans les magasins de Château Rouge où se trouve un public friand d’histoires d’Afrique en France. Mais pour nous, ce film devrait avoir une audience bien plus large, car il aborde avec humanisme et intelligence une question qui a défrayé la chronique politique : la polygamie en France !

La situation est simple : c’est un triangle amoureux. Maurice vit avec Prudence, plus âgée que lui et plus riche que lui, mais ils n’ont pas d’enfant. Un jour, les parents de Maurice, vivant en République Démocratique du Congo, appellent leur fils en lui annonçant qu’ils lui ont trouvé une nouvelle épouse. Celle-ci est jeune et elle a un visa pour la France, elle arrive demain !

Claude Alexandre Eclar

Au début, Maurice qui est amoureux de sa femme, ne prête pas un regard à cette dérangeante intruse venue d’Afrique. Il fait d’ailleurs passer Thérèse pour une nièce auprès de sa compagne. Le scénario a bien verrouillé l’ironie dramatique de la situation : Prudence s’entiche de cette jeune fille adorable - sans voir qu’elle est hypocrite - et la traite comme la fille qu’elle n’a jamais eu et qu’elle rêve d’avoir. Mais la cohabitation est de plus en plus torride car Thérèse ne supporte plus d’être déniée et elle a décidé... de séduire son mari. Dès que Prudence part en congrès, elle déploie sa séduction et parvient à ses fins. Ce qui devait arriver arrive, Maurice tombe amoureux de cette jeune femme fraîche et piquante, intelligente et amoureuse. C’est désormais lui qui vit un dilemme. D’autant plus qu’elle tombe enceinte et que tôt ou tard, Prudence va comprendre ce qui se passe... Comment réagira-t-elle ? Maurice devra-t-il choisir ? Thérèse aura-t-elle son bébé dans des conditions décentes ?

Cette histoire simple est filmée dans l’intimité de la maison. Elle est portée par des personnages très forts, qui évoluent de la comédie vers le drame. Plus le film avance, plus on se prend au jeu, plus le drame prend de consistance. Car Thérèse, magnifiquement interprétée par Tatiana Rojo, est un personnage complexe, qui s’affirme et qui séduit, parce qu’elle n’en a pas le choix. Est-elle une pauvre victime, comme on le pense au début du film, ou bien une femme fatale ? Le film a l’élégance de laisser au spectateur le choix de son interprétation.

De même Laurentine Milebo explose dans ce personnage de femme touchée au coeur de sa féminité. Forte, dirigeante, elle paie cher le prix de l’ascendant qu’elle avait pris sur cet homme plus fragile et plus jeune qu’elle, comme le casting le laisse judicieusement penser avec Claude Alexandre Eclar, qui a, c’est dommage, du mal à être convaincant dans la première moitié du film. La relation entre les deux femmes existe, elle passe par bien d’autres choses que la rivalité. C’est cette complexité de l’analyse des sentiments humains, filmés au plus près, portés par une bonne interprétation, qui fait l’intérêt de ce film.

Dans le cinéma africain, depuis le Ouazzou Polygame de Oumarou Ganda, ou la légendaire comédie de Henri Duparc, Bal Poussière, peu de films ont finalement pris à bras le corps la complexité de la question de la co-épouse et les enjeux qu’elle soulève au sein d’une famille. Ici, on est dans un cas de figure exemplaire et c’est émouvant. Passons sur les maladresses d’une réalisation qui cherche encore ses marques, la symbolique parfois trop appuyée, la dimension "ethnographique" parfois trop démonstrative. L’émotion est là, c’est l’essentiel.

Caroline Pochon

Fiche du film La Rivale

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