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Say it loud ! I’m black and I’m proud
Publié le : mardi 14 octobre 2008
"Black music, des chaînes de fer aux chaînes en or"

Un film de Marc-Aurèle Vecchione, France 2008, 100’

Deux "petits blancs" français trentenaires, Marc-Aurèle Vecchione et Pierre Evil, sont venus à une conscience politique en écoutant du rap, de la soul et du jazz. Ils le revendiquent et l’assument aujourd’hui sur Arte dans le documentaire de 100 minutes : "Black music, des chaînes de fer aux chaînes en or".

Une fresque engagée : musique et politique

Dans cette magnifique fresque de la Black Music aux Etats Unis, rythmée par les pulsions des styles accompagnant les soubressauts d’une histoire qui s’appelle, des champs de coton jusqu’au gansta rap californien : libération des Noirs américains. Dans des archives riches et variées, on voit le monde blanc s’affronter au monde noir, on voit les corps dans les bals, les concerts, se frotter, se fondre, on voit les policiers blancs violenter les jeunes noirs, et c’est dans ce mouvement dialectique qu’existe la musique. Le film dégage un ample mouvement historique qui semble une ligne de fond de l’Amérique, de la guerre de sécession à la candidature de Barack Obama à la présidence. A travers ce film, on voit comment une lutte politique de plus d’un siècle a imposé ses choix en faisant danser le monde. Y-a-t-il un autre prisme pour comprendre l’histoire de l’Amérique ?

Inscrivant résolument les musiques noires américaines dans le champ politique, la voix off, à la fois littéraire, intelligente et hypnothique, une bonne voix off de documentaire à l’ancienne, nous guide dans un récit où l’on se met à comprendre les enjeux politiques des musiques qui nous ont fait danser. Hymne jubilatoire à la musique, ce film fait - non sans ambition - l’histoire des moeurs et de la politique aux Etats Unis. Il fait la part belle aux années soixante : le temps des civil rights, le temps de la Soul et de la Motown et convoque aussi bien Martin Luther King, Malcolm X, Cassius Clay devenu Mohamed Ali, John Kennedy qu’Otis Redding, Sam Cook ou James Brown quand il chante : "say it loud, I’m black and I’m proud". Toutes les icones noires de l’Amérique sont là. Les grands moments de l’histoire sont revisités.

Jubilation musicale : icônes, chants, hits, inconscient collectif

Le film est pourtant loin de n’être qu’une brillante analyse politique engagée. Il est monté avec jubilation, il chante sa connaissance émue de tous ces musiciens. Il ose les parti-pris, les raccourcis, les ellipses. S’attarde sur Billie Hollyday en gros plan lorsqu’elle chante "Strange fruits" et que l’on voit à l’image les corps blessés des Noirs du Mississipi pendus par le KuKluxKlan dans les années 30. Bouscule joyeusement le bebop, le hipop. James Brown plutôt que Jimi Hendrix, parce qu’il incarne un mouvement politique. Coltrane plutôt que Miles Davis. Parliament plutôt que Prince dans l’empire du funk. Soit. D’Afrique et de ses rythmes anciens, il n’est pas question. Non que le film l’ignore. Le film la métabolise puissamment dans la mémoire collective. Les choix sont assumés, justifiés. On est pas dans la prétention à l’exhaustivité. Et ce sont toujours des images du Sud qui reviennent.

Nous sommes donc tous pris dans l’inconscient collectif que tente de nous faire redécouvrir le film. Parents, enfants, plusieurs générations peuvent s’y retrouver. C’est donc aussi un film à découvrir en famille, voire !... à montrer dans les collèges, car la dernière partie, qui parle du rap, permet d’inscrire clairement les codes d’une "subculture" devenue dominante dans le monde des "jeunes", dans le droit fil d’une histoire puissante et tragique. Comment Dr Dre et Public Ennemy sont les enfants de Duke Ellington et Dizzie Gillepsie. Comment du temps de l’esclavage à celui du cyclone Cathrina, les choses n’ont hélas finalement pas tant changé que cela pour les Noirs dans le sud des Etats Unis.

Caroline Pochon (Clap Noir)

"Black music, des chaînes de fer aux chaînes en or"
Un film de Marc-Aurèle Vecchione, France 2008, 100’
écrit avec Pierre Evil
Coproduction Arte France et program 33

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